Le 16 octobre dernier, dans l’urgence, en trois jours, était organisée une journée nationale d’hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty, dans tous les établissements scolaires, qui commençait, pour le second degré, par 2 heures banalisées afin qu’un temps d’échange soit organisé entre tous les personnels avant l’accueil des élèves. Dans notre académie, le 30 octobre, cela n’a pas été le cas. Cette situation est inacceptable. Elle l’est d’autant plus que notre administration a eu du temps pour organiser cette journée et faire face aux problèmes qui se posaient ici, le 30 octobre, comme le 16 sur l’ensemble du territoire national.
Cette journée académique d’hommage ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions et le choix d’en déléguer la préparation au local a conduit à des organisations très différentes suivant les établissements et à des désorganisations. Nombre de collègues, qui auraient aimé se sentir soutenus et épaulés, ont, au contraire, été désemparés. Le malaise, l’amertume et la colère ne sont pas retombés.
Mais il est vrai que le double discours est une habitude au ministère de l’Éducation Nationale depuis le premier quinquennat de M. Macron.
L’Éducation Nationale est une priorité, mais, « en même temps », on supprime des postes d’enseignants. « Un professeur ça change la vie pour toute la vie » mais, « en même temps », on ne fait rien pour rendre attractif le métier, revaloriser les carrières et améliorer les conditions de travail. Tout ce qui est proposé, c’est un alourdissement de la charge de travail via le Pacte car on sous-entend, par-là, que les enseignants ne travaillent pas assez et peuvent se permettre de travailler…beaucoup plus pour gagner à peine plus.
Certains chefs d’établissement ne reculent pas devant le mensonge afin de faire signer des « parts fonctionnelles » en prétextant qu’ils n’ont plus d’autres moyens (Heures Supplémentaires Effectives, Indemnités pour Missions Particulières…) pour rémunérer les enseignants alors que les enveloppes budgétaires le permettent.
La formation continue hors temps scolaire est, elle aussi, une charge supplémentaire de travail. Nous serions les seuls personnels à devoir suivre des formations hors de notre temps de travail ? C’est inadmissible !
Ce CEN est l’occasion pour nous de revenir sur le plan Numérisak mis en place par La Région. Si les objectifs sont louables (permettre aux lycéens d’avoir accès à la culture, à internet, aux manuels numériques…), la mise en œuvre est pour le moins problématique. Au-delà des difficultés techniques déjà soulevées (problème de bande passante, d’alimentation…), ce recours au tout numérique pose un grave problème de santé publique : le temps passé devant les écrans. De plus, il montre une méconnaissance profonde du geste pédagogique : le centre d’attention de l’élève n’est plus l’enseignant… mais l’écran. Il est à noter que des pays qui s’étaient largement investis dans le tout numérique (Suède…) reviennent sur cette politique en en dénonçant les méfaits.
Nous demandons à ce qu’une étude des conséquences de la mise en place de Numérisak soit menée par un organisme pluripartite et indépendant.
Parmi les actions du conseil régional à destination des lycéens, le déjeuner à 1 euro est une mesure qui permettra de réguler les différences de vie des élèves des lycées et ainsi gommer des inégalités. Par contre, il est nécessaire que les conditions de de distribution des repas ne viennent pas impacter le fonctionnement des établissements. Les difficultés que rencontre le système éducatif doivent être traitées avec l’objectif sincère d’assurer la qualité du service public à tous les échelons y compris au niveau des services administratifs. Nous dénonçons le manque de personnels à tous les niveaux (gestion des carrières, des mutations…) qui provoque des dysfonctionnements et de la souffrance au travail. Dans le premier degré, l’enquête récente de l’ASL (Autonome de Solidarité Laïque) sur le climat scolaire pointe le mal-être des PE dans le cadre de l’école inclusive telle qu’elle est vécue, au point de parler de “point de bascule”. Les auteurs précisent qu’ “Un point de bascule a été atteint, et pour la première fois dans nos enquêtes en école primaire, les personnels sont majoritairement insatisfaits de leur métier.”Aujourd’hui l’inclusion se fait sans moyens supplémentaires ni formation spécifique. Les PE et AESH se sentent trop souvent seuls, sans soutien de la hiérarchie, avec le sentiment de pallier les carences du manque de places dans les établissements médicosociaux. Lorsqu’elles sont dégradées, les conditions de travail ont des conséquences sur les conditions d’enseignement et d’apprentissage de tous les élèves. Les annonces sur “un acte 2 de l’école inclusive” nous font craindre une nouvelle aggravation de la situation à brève échéance. Pour la FSU, le PAS (Pôle d’Appui à la Scolarité) et les mesures annoncées par le gouvernement risque encore de dégrader une situation déjà compliquée pour l’inclusion scolaire. D’une part, c’est au niveau du PAS que seraient désormais attribuée « l’aide humaine » (la MDPH serait un ultime recours pour les parents contestant la décision). Le PAS risque donc de devenir un outil permettant de gérer le manque de moyens humains alloués à l’école inclusive. D’autre part, cela va conduire à la perte de personnels spécialisés compétents qui feront du travail de gestion. Pour la FSU, le PAS n’est pas la réponse aux problèmes actuels et risque de dégrader encore les conditions de travail des personnels et de scolarisation des élèves. Non, la politique gouvernementale n’est pas à la hauteur des enjeux. La politique néolibérale d’E.Macron aggrave les inégalités et le tri social. Elle continue les cadeaux aux plus riches et une politique austéritaire pour les autres à coup de 49-3 ; conséquence logique : l’inflation n’est pas jugulée et engendre toujours plus de précarité chez les jeunes, les retraité·es, les privé·es d’emploi mais aussi l’ensemble des travailleur·euses. Par ailleurs, les inégalités femmes/hommes restent toujours importantes malgré les discours. Cette politique se déploie tous azimuts ; l’éducation nationale est instrumentalisée pour la servir et sommée de fournir au patronat dans les meilleurs délais une main-d’œuvre corvéable, peu qualifiée, polyvalente pour laquelle l’enseignement général se limite à la part du pauvre. C’est l’esprit et la lettre de l’actuelle réforme de la voie professionnelle mais c’est aussi une certaine vision de la société : une caste de nantis qui prospèrent sur le travail des autres. La FSU refuse ce retour au 19ème siècle où l’école ne parvenait qu’à figer les ségrégations sociales. La réforme de la voie pro n’est qu’une étape d’un chantier bien plus vaste ; à rebours de la nécessaire lutte contre l’échec scolaire, la novlangue ministérielle se distingue une fois encore : il serait question maintenant d’une « exigence des savoirs », formule bien prétentieuse au regard de ce qu’elle camoufle ; il s’agit maintenant de s’attaquer au collège en préparant le terrain à ces ségrégations. Cela s’appelle le collège « modulaire », celui de l’orientation précoce. Jugez-en : groupes de niveaux, recentrage sur les « fondamentaux », réduction des enseignements pour les élèves fragiles, fin des cycles, culture générale plutôt que culture commune,… Il est inimaginable de vouloir régresser à ce point !
En effet, la dernière mouture de réforme dans la voie professionnelle en cours qui concerne l’organisation de la classe de terminale Bac Pro en est l’exemple très concret. Fin d’année scolaire différenciée entre ceux qui poursuivent leurs études et ceux qui iraient directement sur le marché du travail : conséquences, semaines de stage supplémentaires pour certains et bachotage pour les autres. En 2009, passage du Bac Pro 4 ans (2 ans de BEP suivis de 2 ans de Bac) au Bac Pro 3 ans (suppression du BEP) amène à la suppression d’environ 900 heures de formation pour le même diplôme. 2019, réforme Blanquer et mise en place du chef d’œuvre, de la co-intervention et révision des horaires…. Qui suppriment plusieurs heures d’enseignement dans diverses disciplines… toujours moins d’enseignement et surtout en enseignement général. 2023, réforme Grandjean, suppressions de 203 heures sur les 3 ans. Comment peut-on parler de valorisation de la voie professionnelle quand on détruit progressivement mais inexorablement le contenu de ses diplômes. Ces réformes n’ont aucun respect des élèves de la voie professionnelle et de ses personnels. L’augmentation constante du nombre de semaines de stage en entreprise obère lourdement la qualité de la formation qui y est reçue. Le triplement du nombre d’apprentis dans notre académie participe aussi à cette dégradation des conditions de stage voire de leur simple mise en place. La situation est telle que les stages sont devenus un facteur d’érosion scolaire ! On marche sur la tête. Comment peut-on penser que les compétences acquises après un Bac Pro à horaires réduits et des stages de mauvaise qualité peuvent permettre aux jeunes aujourd’hui d’avoir le même niveau de compétences à l’issue de leurs études ? La voie professionnelle mérite mieux. C’est pourquoi la FSU appelle dès à présent à une mobilisation massive le 12 décembre aux côtés des défenseur.es de la voie professionnelle sous statut scolaire. Ainsi qu’à toutes celles qui suivront. C’est toute la communauté éducative qui doit se rassembler pour défendre une autre vision de l’école publique.